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tedescocam

Rencontrer son reflet en forêt.

Je n'ai pas partagé mes propres expériences sauvages depuis un moment. Comme une envie de garder intime ces moments privilégiés de rencontre avec moi-même. Et pourtant, une part de moi m'invite à les raconter plus souvent. J'aime l'idée que leur histoire puisse se déposer quelque part, semer des graines dans des esprits, ouvrir des cœurs, et autoriser d'autres à aller se rencontrer à leur tour par toutes les voies mystérieuses que nous offre la vie et la nature.


La vérité est aussi qu'elles ont été moins nombreuses ces derniers temps, pris dans le feu des moments conviviales de l'été où j'ai passé du temps à retrouver famille et amis. Des moments que j'ai apprécié c'est certain, mais que j'ai vécu parfois en me perdant un peu, en oubliant de nourrir cette nature rêveuse et solitaire qui m'habite profondément et à laquelle il m'est nécessaire de me connecter sans cesse.


Quand je me perds de cette manière, il surgit, à un moment, toujours un appel. Un bruit sourd, sans son, sans mots. Une intuition forte qui se transforme immédiatement en action. Et je pars.

Je pars, dans mes rêves ou sur des chemins. Je pars me chercher.


Dernièrement, je suis partie marcher à Ambérieu en Bugey, sur un chemin de randonnée dont m'avais parlé une amie au début de l'été. C'était pratique pour une envie de marcher spontanée, comme ça en semaine, accessible à quelques minutes de Lyon en Train. Le matin même, je pioche une carte d'un de mes Oracles : "le miroir : l'autre est le miroir de qui je suis. Je puise dans son regard une ressource consciente de guérison". Vérité banale, certes, mais qui tirée ce matin-même a été une sorte de guide invisible pour le reste de ma journée.


J'utilise les oracles ponctuellement dans ce type de moment-là. Les cartes tirées ne prédisent en aucun cas l'avenir, elles sont un moyen de dialoguer avec soi-même en laissant s'exprimer, pour une fois, notre dimension mystique et intuitive, sans chercher à y trouver un sens rationnel et entendable pour l'esprit.


Au cours de la marche, je ne cherche rien. Je suis plutôt attentive à prendre la bonne direction à chaque fourche. Je m'arrête quand j'ai faim. Je m'arrête quand il m'est impossible de continuer, prise en otage par la lumière traversante des bois ou la vue d'un arbre à la forme particulière . Je prend le temps de suivre du regard toutes les courbes sinueuses de son tronc et de ses branches. Et surtout, j'entends le silence.


Le silence, c'est une boussole pour moi. C'est un lieu si simple que quand il est là, je sais que je suis au bon endroit. Et le silence des bois m'aide à trouver le silence à l'intérieur. Etonnement, aucun bruit, du corps et de l'esprit, ne parasite mon attention. Parfois des souvenirs surviennent. Des souvenirs sauvages, de lieux ou de sensations, dont certains ne semblent pas m'appartenir. Peut-être sont-ils des souvenirs fantasmés d'une version de moi-même qui aurait pu exister, ou qui existera. Ou peut-être appartiennent-ils à des entités lointaines qui tentent de vivre à travers moi.


Non loin d'une nouvelle fourche, je me sens prise d'une émotion subtile, un mélange de plénitude et de joie, très douce. Je croise un père et son fils qui marche en sens inverse et leur demande si, d'où ils viennent, je peux rejoindre le lac bleu. Ils me répondent de prendre à droite à la prochaine fourche.

Le lac bleu, c'était, à ce moment-là, un objectif caché à ma randonnée. Je voulais m'y rendre. Mon amie m'avait parlé qu'elle s'y était baignée, seule, sous les arbres. Cette possibilité me faisait rêver. J'attribuais alors mon émotion à la concrétisation de ce petit rêve. Il me restait une vingtaine de minute de marche avant de l'atteindre.




Mais en chemin, je fais une rencontre. J'aperçois au loin une personne qui vient vers mois, et à quelques mètres de distance, je la repère plus distinctement. C'est une jeune fille, d'une trentaine d'année peut-être, peut-être un peu moins. Son visage est ouvert, ses yeux et son teint sont clairs. Ce n'est pas vraiment une sportive. Elle porte une salopette en jean, une sorte de bandana dans les cheveux et, surtout, un appareil photo autour du cou.


Je la décris aujourd'hui avec ce dont je me rappelle, car sur le moment, j'ose à peine la regarder tellement mon émotion subtile de tout à l'heure devient forte, intense et difficile à contenir. La première chose qui m'est venue à l'esprit en voyant cette fille est "c'est moi". Et au moment de se croiser, je n'arrive plus à me contenir, ma gorge est si nouée que mes larmes se mettent à couler automatiquement à peine quelques mètres plus loin.


A ce moment, je saisis que je viens de traverser le miroir. Je saisis que mon émotion subtile de tout à l'heure était la voix de mon corps pour me préparer à cette rencontre. Je n'ai pas parlé à cette fille et je crois que ce n'était pas l'issue de cette expérience. C'est comme si nous nous étions retrouvé ensemble dans un espace mystique, intemporel, où tout a pris un sens. C'est comme si l'invisible devenait visible. Où le monde subtil, l'univers, nos guides, peu importe leur nom, se signaient et m'envoyer un message : "tu es sur le chemin, là où tu dois être, photographe, à rêver dans la nature, à te nourrir de ton expérience."





Tout cela est bien difficile à décrire. Si je fais le choix de vous raconter cette expérience, c'est que je crois au poids des récits personnels pour transformer les perceptions que nous avons de notre monde et de nous-même. Partageons-les.


Est-ce que cette expérience a changé ma vie ? Non, pas sur le plan matériel. C'est plutôt comme si mon cœur avait réparé sa boussole en prenant conscience de ma juste place, simplement en prêtant attention à ces instants subtiles de dialogues entre moi et le monde.

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