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tedescocam

Rencontrer les "habitants" de ma maison

Il y a quelques semaines, j’ai remarqué une habitante particulière dans ma maison. Elle avait élu domicile dans ma chambre, sur les mûrs, derrière le radiateur ou près des lampes, certainement en recherche d’une source de chaleur. Je dis « elle » car il s’agit d’une petite araignée. Aucune idée du nom de son espèce, aucune idée de sa dangerosité a priori. Mais à force d’observation, j’ai découvert que cette petite araignée –elle ne mesurait pas plus d’un centimètre de diamètre- pouvait ressentir le froid hivernal ainsi qu’une certaine gêne à mes tentatives d’approche. Je me suis surprise à penser à elle quand je n’étais pas dans ma chambre, à me demander où est-ce que je pourrais la retrouver. Je me suis aussi surprise à ressentir un sentiment inconfortable quand jour après jour je ne la voyais plus galopante sur mes murs.



C’est une petite histoire, somme toute assez banal, que je dédie surtout aux personnes qui redoutent la présence d’araignées dans leur maison, mais dont j’invite chacun à s’inspirer. J’espère que ce récit amènera au pire un questionnement, au mieux un changement de regard, sur ces êtres qui vivent quotidiennement avec nous et que nous ne prenons pas assez le temps d’apprécier.


Il est probable que je n’aurais pas prêté autant d’attention à cette araignée –et par extension, à toutes les petites bêtes que j’aperçois chez moi- sans avoir lu à l’automne dernier « A l’écoute des insectes » de Joanne Elizabeth Lauck. Cette écrivaine américaine engage nombreux de ses travaux sur le potentiel guérisseur du lien entre l’Homme et l’animal. L’idée principale que je retiens de ce livre est le mécanisme de projection que nous avons sur les insectes ou les animaux assimilés à des insectes comme les araignées. Nous en avons peur. Nous cultivons l’idée que ces êtres nous sont nuisibles d’une manière ou d’une autre. Nous projetons sur eux la part de nous même que nous ne voulons pas voir, c’est-à-dire la part d’ombre qui nous compose, et que nous refoulons bien souvent.


Elizabeth Lauck propose de considérer les insectes comme des messagers, des guides spirituels pour nous aider à transformer notre vision rigide et rationnelle du monde. Cela m’a beaucoup interpellé, évidemment. Il n’a d’ailleurs pas fallu beaucoup de temps suite à cette lecture pour me faire surprendre, une journée de début d’automne, par une sauterelle qui rebondissement fort sur la fenêtre de ma chambre depuis l’extérieur, alors qu’à ce même moment, je nageais en plein brouillard mental. Je me souviens m’être alors laissé guider par elle, et pour cela, j’ai simplement pris le temps de l’observer, sans juger ou anticiper son comportement. J’ai simplement accueillie sa présence et puis, sans crier gare, la sagesse de son message. Je me souviens de cette rencontre comme l’abolition d’une nouvelle frontière –une de plus- entre moi et ce que j’appelle « le sauvage ».


Depuis, j’accueille, chaque petite bête qui s’invite dans ma vie. Et celles qui cohabitent avec moi dans mon espace intime ont toute mon attention.


La première fois que j’ai remarqué cette araignée j’étais assise par terre près de ma plante, ce qui m’a donné un angle de vue privilégié pour l’apercevoir sous l’une des feuilles. Elle m’a touchée. Elle m’a semblé fragile à se cacher ou à se protéger de la lumière artificielle qui éclaire ma chambre le soir. Je n’ai pas résisté à l’envie de la prendre en photo, pour garder en mémoire ce moment de grâce quand un autre vivant vous touche au point d’arrêter toute tâche que vous aviez entreprise ou toute pensée parasite qui naviguez dans votre esprit. Puis je l’ai revue le lendemain. Elle se faufilait alors sur le sol, en direction de tapis que j’avais superposés et sur lesquels j’étais installé. Elle s’est glissée dans l’interstice des deux tapis, si bien que j’ai eu peur de l’écraser. Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’elle est sortie de sa cachette, en bougeant harmonieusement et vivement ses huit micro-pattes pour avancer avec ardeur en direction du mur et y grimper. Elle a fini sa course dans le halo chaud et doré de l’ampoule de ma lampe qui se projetait sur le mur. Je me suis demandé si elle cherchait alors la chaleur…ou à se mettre en lumière.


Je l’ai revue à mainte reprise en ce début janvier, à captiver systématiquement mon attention. Je n’ai senti qu’une fois que cette intrigue était réciproque, la fois où elle a accepté avec grâce le crayon que je lui tendais, en se hissant lentement sur ses six pattes arrières pour tendre les deux premières et saisir délicatement le crayon, juste pour le tâter, le sentir.


Je n’ai jamais osé lui proposer de grimper sur ma main, par pudeur peut-être, ou certainement par crainte de ma propre réaction si elle acceptait.


Si Elizabeth Lauck dit vrai, et que chaque animal que nous rencontrons dans notre vie sont des messagers, cette araignée avait bien des choses à me dire sur moi-même. Quelles sont les « qualités » que l’on pourrait attribuer aux araignées qui tissent leur toile si méticuleusement, si mathématiquement, avec patience, créativité et application et qui raisonnerait en moi-même ? Suis-je moi-même entrain de tisser ma toile, créant ainsi des liens solides entre tout ce qui me compose ? Suis-je entrain d’attendre dessus, tel un équilibriste, pour y récolter un jour les fruits de mes efforts, sans perdre mon énergie ? Suis-je entrain d’équilibrer ma part féminine, dont l’araignée en est le symbole ? C’est possible.


Il est aussi possible que la relation en moi et cette araignée n’est que le pur produit de mon imagination. Mais comme l’exprime Lauck : « Pour nourrir cette relation, mieux vaut laisser certains mystères travailler dans un imaginaire ni hostile ni terrifié, et remplacer notre angoisse face aux araignées par des informations nous indiquant quelles stratégies adopter pour coexister avec elles.»

De la même manière j’invite chacun à faire travailler son imaginaire pour faire exister les conditions de relations apaisées entre nous et le petit monde sauvage, celui qui peuple nos chambres et nos maisons. Prenez le temps d’observer les bêtes qui vous dérange, et petit à petit de vous laissez saisir et toucher par tout cet infiniment petit qui ne cherche qu’à être là où ils seront les mieux accueillis.

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